Prédication sur Jn 5.1-17 / Ps .. / Ro 8

Vive la liberté retrouvée – reprise en main (laisser Jésus guérir ma volonté).

Bien-aimés du Christ,

On dit parfois qu’on a besoin d’un bol d’air frais quand on a envie de vacances ou de se changer les idées. Un bol d’air frais implique au moins d’ouvrir les fenêtres ou mettre le nez dehors. Nous poursuivons donc ce matin notre balade sous le titre Vive la liberté retrouvée en suivant un 2e sentier qui nous réserve aussi des surprises intitulé reprise en main.

Nous avons lu tout-à-l ’heure le récit de Jésus guérissant le malade de Bethesda. Carl-Heinrich Bloch a représenté cette scène ainsi. Avant de poursuivre le message, j’aimerais que vous preniez le temps de regarder ce tableau et de vous mettre dans la peau du malade, celui qui est sous la couverture que Jésus soulève. Regarder son attitude. Pourquoi est-il caché sous cette couverture ? Que reflète l’attitude de son corps ? Et l’attitude de Jésus ?

Le grec nous dit que cet homme était là ayant 38 ans dans sa maladie. Il est depuis 38 ans dans la maladie. C’est son lieu de vie. Le mot maladie en grec désigne un état de faiblesse ne permettant pas de se tenir debout, au propre comme au figuré. 38 en hébreu s’écrit comme le mot sève, vigueur[1]. En hébreu, paralytique se dit force tarie. Cet homme est vidé de sa sève, de sa force vitale, de son énergie, de sa combativité. 38 c’est aussi le nombre d’années passées par Israël dans le désert jusqu’à ce que la génération des hommes ayant refusé d’entrer dans la terre promise par incrédulité soit morte[2].

Jésus s’approche de lui… Sachant qu’il attend un miracle depuis 38 ans – mais, au fait… l’attend-il vraiment encore ? – Jésus lui demande : Veux-tu retrouver la santé ? Quelle question ! Jésus essaierait-il de réveiller un désir qui est mort depuis longtemps chez cet homme ?

Ça fait 38 ans qu’il a tout essayé. 38 ans qu’il a fait de son mieux pour atteindre le bassin au moment propice. 38 ans qu’il a fait des efforts, qu’il s’est donné de la peine. 38 ans qu’il a peut-être demandé de l’aide en vain. 38 ans qu’il n’a personne pour le porter jusqu’à l’eau. 38 ans de sentiment d’abandon, d’avoir été oublié de tous. 38 ans de prières non-exaucées. 38 ans à regarder d’autres être guéris par l’ange. 38 ans à se demander : et moi ? pourquoi pas moi ? 38 ans peut-être à en être venu à jalouser les miraculés. Alors à quoi bon espérer encore, à quoi bon croire encore, à quoi bon vouloir, désirer, attendre, souhaiter… De toute façon ça ne sert à rien. 38 ans c’est long. Chaque personne peut connaître des épisodes similaires dans sa vie, où la volonté, le désir se brisent sur les rochers de la désespérance et de l’épuisement. Chacun peut connaître de ces moments où le bol d’air frais semble ne plus venir. Où tu te replies sous ta couverture.

C’est peut-être aussi symboliquement le temps qu’il faut pour que je cesse vouloir me débrouiller seul ou vouloir dicter à Dieu comment il doit faire, ou à avoir cette manie de le juger.

Jésus vient à la recherche de cet homme comme le bon berger qui franchit la Porte des Brebis pour faire de cette piscine la maison de la miséricorde (c’est le sens de Bethesda en hébreu). Il vient à la rencontre de cet homme, à notre rencontre. Avec un ordre : Lève-toi, prends ton lit et marche. Quand tu donnes un ordre à quelqu’un, tu exprimes une attente à son égard, tu le crois capable, tu lui fais confiance, tu lui donnes une mission. Et là pas n’importe laquelle : – Lève-toi c’est aussi réveille-toi, ressuscite. Et Jésus ne dit pas rentre chez toi comme la semaine dernière au paralytique. En effet le chez lui de cet homme c’est la piscine. Il dit marche. En grec, vas de ci de là, vas, avance, va faire un tour. Sans oublier ton lit… cette fois c’est toi qui va le soulever. Tu n’es plus victime, tu ne subis plus. C’est le sabbat, et tant mieux car c’est le jour où Dieu contemple sa création et la trouve bonne. C’est le jour du repos fait pour l’homme, pour lui faire du bien. Ce jour voulu pour que l’homme plonge ses racines dans l’amour de Dieu, pour qu’il se relie au divin cep afin de recevoir la sève de sa grâce, de sa miséricorde, de sa vie et de sa fécondité.

Je me demande si cet homme n’était pas prisonnier de la tradition de son temps. Et entendre, un jour de sabbat où personne n’ose porter son lit, lève-toi, reviens à la vie, prends ton lit et va, avance… Est-ce que ça n’a pas été comme l’électrochoc redonnant vie à un cœur mourant ? Il y a des paroles de vie que nous sommes invités à recevoir pour sortir de nos fatalités. Et Jésus est cette parole, lui qui a remis en cause les fatalités de la vie, et la plus grande d’entre elles étant la mort.

Jésus ne veut pas que nous enterrions notre désir de vivre, de nous réjouir, d’aimer et d’oser nous positionner dans la vie. Cet homme se lève et comme c’est souvent le cas quand une personne se lève, se manifeste, veut exister et être qui elle est… d’autres s’empressent d’étouffer cet élan de vie naissant. Parfois au nom de la religion. Souvent par jalousie. Mais cet homme résiste, lui qui était incapable de se tenir debout durant 38 ans, il résiste : L’homme qui m’a rendu la santé m’a dit Prends ton lit et marche. Je suis désormais dans la main de celui qui est Miséricorde et Compassion, de celui qui m’a créé et voulu vivant et désirant ; dans la main de Celui qui jamais ne dort ni ne sommeille, de celui qui ressuscite les morts et donne la vie (v.21). De celui de l’Amour duquel rien ne peut me séparer.

En te donnant l’ordre de te lever, il fait de toi son partenaire, doté de volonté et de capacité – dans ce récit, Jésus ne tend pas la main au malade pour l’aider à se relever. Ecoute… Christ est ici avec toi… quel désir profond réveille-t-il en toi ? Quel désir profond se met à tressaillir en toi ? Ouvre la porte, et va vers le bol d’air frais que t’offre son amour-liberté.

Va, marche, met toi en route. Avec la force qui est la tienne désormais, la force de celui qui est accompagné, coaché par Jésus-Emmanuel, Dieu-avec-nous-qui-sauve-et-restaure. Ce sera l’occasion de découvrir, comme ce malade de Bethesda, que le lieu d’une foi vivante est souvent un trop tard[3].

Amen.


[1] Annick de Souzenelle, Le livre des guérisons, Albin Michel, Paris, 2017, chap. 8.

[2] Cf. Deut 2:14  Le temps où nous avons marché de Qadech–Barnéa au passage du torrent de Zéred fut de trente–huit ans, jusqu’à ce que toute la génération des hommes de guerre ait disparu du milieu du camp, comme l’Éternel le leur avait juré.

Que de symbole dans ce petit texte ! Un homme vidé de sa force, épuisé, coupé de sa source, coupé du cep de vie depuis 38 ans. Serait-ce suite à un acte d’incrédulité gravissime qui l’a fait errer tout ce temps ? Le texte ne le dit pas directement. Toutefois, c’est la seule et unique fois où Jésus lie maladie et péché. On ne peut juste pas balayé cela du revers de la main.

[3] David-Marc D’Hamonville