Prédication sur Mc 9,30-41 et Jcq 3,16-4.3

Vraie grandeur vs fausse grandeur

Bien-aimés du Seigneur Jésus-Christ,

On raconte qu’un jour un évêque est allé voir le pape Jean XXIII et s’est plaint en lui disant que depuis qu’il avait été nommé évêque il avait perdu le sommeil. Le pape Jean lui aurait alors répondu : Mon fils, je te comprends, en effet, après avoir été nommé pape, j’en ai aussi perdu le sommeil. Un jour, en réponse à mes prières, j’ai eu la visite d’un ange dans un rêve et il me disait : Giuseppe, cesse de te prendre au sérieux et tu verras ça ira mieux. Je suis depuis son conseil et je redors. Fais de même mon fils. Anecdote qui nous rappelle que la vraie grandeur ne se prend pas la tête. On le voit aussi avec le pape François.

Malheureusement, la fausse grandeur se prend la tête ! Et c’était déjà vrai parmi les 1ers disciples de Jésus. Ce qui motive l’enseignement du Seigneur dans l’évangile de ce jour.

Je me demande ce que ça a dû faire à Jésus d’entendre ces disciples discuter sur lequel d’entre eux était le plus grand, le plus important, alors qu’il venait de leur dire que, lui, il était livré entre les mains des hommes pour être tué. Qu’est-ce que ça a dû faire à Jésus, lui, le fils éternel de Dieu s’étant fait homme au service des humains, que d’entendre ses disciples avoir soif de grandeur ?… Dieu qui se fait homme et en plus serviteur de l’humanité par amour… qui se donne à nous, qui se donne pour nous… ça ne passe pas. Nous faisons semblant que nous y croyons. Mais au fond… ça nous est insupportable, purement et simplement. Parce que ça nous interpelle, ça nous conteste dans nos ambitions de grandeur et d’importance. Mais pour Jésus c’est important, il prend donc ses disciples à part pour les enseigner sur cela, parce que pour lui, notre volonté de grandeur c’est un poison qui empêche sa vie et son projet de déployer leurs effets en nous.  Nos envies de grandeur engendrent en nous le contraire du message de l’Evangile.

Vous me direz : Mais qu’est-ce que t’en sais que j’ai des envies de grandeur ? Ça ne me concerne pas. Alors, t’as de la chance !… Ecoute un instant ce que dit Jean Chrysostome, un père de l’Eglise du 5e siècle quand il parle de son Eglise :

Qu’est-ce que je vois :  nous nous observons, nous nous craignons les uns les autres, nous parlons à l’oreille du voisin et si un tiers s’approche nous nous taisons, la méfiance règne. Nous sommes sur nos gardes, dans la peur d’être blessé par le frère, la sœur en Christ. Et nous nous étonnons que les gens aient plus confiance en des non-chrétiens qu’en des chrétiens ?… Nous qui servons le même Seigneur, nous nous déchirons pour un peu d’argent, pour un peu de gloire, pour des histoires de mots. Nous nous armons les uns contre les autres au lieu de nous armer contre le démon, notre ennemi commun. Voilà pourquoi nous nous affaiblissons et qu’il se fortifie de jour en jour[1].

Lorsque nous observons la déchristianisation de notre société et la perte de crédibilité des Eglises, on peut se demander si Chrysostome n’a pas quelque chose à nous dire.

Rien de neuf sous le soleil du 21e ou du 5e siècle, Jésus fait face à la même réalité chez ses disciples, qui non seulement cherchent leur grandeur personnelle, mais qui ne peuvent concevoir que le Seigneur agisse par l’intermédiaire d’un autre groupe qu’eux, disons par une autre Eglise que la leur.

Qu’est-ce qui ne va pas entre les disciples ? Qu’est-ce qui ne va pas entre les Eglises ? Qu’est-ce qui ne va pas dans la chrétienté ? Qu’est-ce qui ne va pas dans nos vies personnelles de baptisés ? Si ce n’est que Jésus n’est souvent pas au centre. Quand Jésus n’est pas au centre, c’est nous qui sommes au centre. Quand Jésus n’est pas au centre, c’est notre personne, notre susceptibilité, notre orgueil qui sont au centre. Jésus doit être remis au centre. Jésus le Christ. Jésus le Fils de Dieu, Dieu devenu homme parmi nous pour servir l’humanité. Jésus le Dieu humble qui nous fait place. Jésus le Dieu qui nous donne la préséance. Jésus, l’unique vrai Dieu, le Dieu si véritablement Dieu qu’il peut se permettre d’être livré en nos mains pour être honoré et servi ou pour être rejeté et éliminé en Croix. Dieu tellement véritable que le sort que nous lui réservons ne change rien pour lui, mais tout pour nous.

Notre Seigneur au centre, ce Seigneur qui nous dit la véritable grandeur, celle du service, celle de l’accueil, celle de la charité. La charité, c’est l’amour désintéressé et non pas l’aumône.

Ne vous en faites pas… ce que je dis là, je me le dis à moi-même aussi.

Alors quand nous célébrons le Jeune Fédéral et la Semaine de l’Unité les différentes Eglises de Bulle ensemble, nous posons un signe, un signe prophétique, un signe où nous souhaitons voir Jésus au centre et non pas nos dénominations. Un signe. Un signe appelé à devenir plus qu’un signe.

Pour être concret, je nous interrogerais : par quel prisme nous regardons-nous les uns les autres, d’abord entre nous chrétiens ? Est-ce avec le regard de Jésus ? Comment nous regardons-nous les uns les autres dans nos familles ? Comment regardons-nous notre conjoint, nos enfants ? Avec le regard de Christ Jésus ? En mettant Jésus au centre ?

Comment nous accueillons-nous les uns les autres ? En voulant refléter Jésus, en pensant que l’autre m’est envoyé de la part de Jésus ? La foi chrétienne, notre baptême devrait faire de nous des imitateurs de Jésus, avec le même souci de servir, d’accueillir l’autre, et de nous réjouir qu’il ou elle est béni/e dans ce qu’il fait. Se réjouir que l’Eglise sœur est bénie. Se servir entre Eglise. Comme pasteur de l’Eglise protestante, je e ne peux que dire merci à la grande sœur catholique qui régulièrement nous prête ses lieux de culte pour des enterrements de protestants qui souhaitent vivre leur dernier adieu dans le village où ils ont vécu.

Jacques nous dit que nos prières restent inexaucées parce que nous demandons avec un intérêt centré sur nous-mêmes. Il nous encourage au début de sa lettre à demander la sagesse, la sagesse d’en haut, le savoir-être, le savoir-regarder illuminé par le savoir-être et le savoir-regarder de Jésus. La sagesse de Christ Jésus qui fait sa grandeur, sa vraie grandeur, celle qui ne se préoccupe pas de soi-même. La sagesse du Dieu qui ne se préoccupe pas de lui-même, à cause de son amour pour nous, à cause de sa volonté de nous voir debout, restaurés, libérés, un tel Dieu ne peut pas nous laisser tranquille dans nos envies de fausses grandeurs.

Il est des soucis qui nous préoccupent à l’excès car ayant à faire avec nos droits à exister et être reconnus comme importants. Notre prière reste sans réponse. Peut-être parce que nous devons nous recentrer sur le souci de Jésus pour nous et pour notre entourage, sur la vraie sagesse qui est pure, pacifique et pleine de compassion, soucieuse de l’autre. Jean XXIII retrouva le sommeil avec cette conscience-là, et mettant Jésus au centre, il fut à l’origine d’un grand renouveau dans l’Eglise.

Dans cette société qui se déchristianise, ne serions-nous pas appelés à emboiter le pas à notre Seigneur Jésus et à nous interroger : Jésus est-il au centre de mon engagement pour ma famille, pour mon couple, pour mon Eglise ? Ou mon engagement est-il motivé par sauver un intérêt personnel ou par le désir d’être reconnu.

Quoi que nous fassions, en parole ou en oeuvre, faisons tout au nom du Seigneur Jésus, en remerciant par lui à Dieu le Père (Col. 3,17).

Amen.

 

[1] Jean Chrysostome, Homélie 8,VIII sur l’épître aux Romains.

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